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Certains avaient deviné, d’autres nous ont posé la question…

En 1956, Albert Camus publie « La Chute » (Ed. Gallimard), confession en forme de monologue d’un avocat parisien, jadis défenseur des nobles causes, en exil à Amsterdam.
Ce personnage s’appelle Jean-Baptiste Clamence.

Exploration du thème de la culpabilité, mise en accusation de l’humanité toute entière, ou tout simplement de l’intelligentsia du moment, référence ironique au Jean Baptiste biblique que Clamence refuse d’être, les analyses formulées sur cette œuvre sont nombreuses, riches, parfois contradictoires.

Denis Salas (« Albert Camus, La juste révolte », Editions Michalon 2015) écrit : « héros nihiliste ambigu, Clamence s’arrange pour n’avoir jamais à rendre de compte à d’autres que lui-même (…). Son procès ne connaît que l’instruction et pas le jugement (…). De quelle impasse morale ce choix est-il le symbole ? ».

Après « L’Etranger », spectacle révoltant de l’absurde injustice, et « La Peste », roman de l’héroïsme ordinaire et de la responsabilité individuelle, « La Chute » est le récit de l’introspection ironique, fuyante, utilitaire. Des deux premiers, il constitue la remise en cause, la critique, le remède à toute bonne conscience.

Il faut en effet placer ce texte et ce personnage en perspective avec le reste du travail de Camus, spécialement dans le lien que celui-ci propose entre l’humain et le juste. Le personnage de Clamence est celui d’une époque sanglante, celle des idéologies, de la décolonisation, et d’innombrables professeurs de vertu et de vérité.

On oublie parfois que le mystérieux interlocuteur de Clamence est lui aussi un avocat, un double, comme le lecteur (« hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère… » dirait Baudelaire…), qui l’écoute, emporte avec lui ses secrets, sa chute intérieure, son destin sans finalité, l’assistant dans son errance.

Recevant le Prix Nobel de Littérature le 10 décembre 1957 à Stockholm, Camus dit ceci : « Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n’ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S’il m’est nécessaire c’est qu’il ne se sépare de personne et qu’il me permet de vivre, tel que je le suis au niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas s’isoler ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d’artiste parce qu’il se sentait différent, apprend bien vite qu’il ne nourrira son art, et sa différence, qu’en avouant sa ressemblance avec tous. L’artiste se forge dans cet aller-retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. C’est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et s’ils ont un parti à prendre en ce monde, ce ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne règnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel » (Discours de Suède, Ed. Gallimard).

Donner à notre structure une dénomination sociale constitue évidemment l’un des aspects d’une démarche de modernisation de la profession d’avocat.

Que cette dénomination sociale soit celle d’un personnage romanesque, intégré dans une œuvre littéraire dont les valeurs nous sont chères, constitue le rappel d’une tradition et d’un état d’esprit, dont nous acceptons, avec d’autres, d’être les dépositaires : les avocats sont des artistes de l’âme, du corps, de l’entreprise, du patrimoine, des affaires, et de tout ce qu’exige la vie moderne, mais, tels que le décrit Camus, des artistes quand même.
 
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